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Donkey Kong devait être un jeu… Popeye !

Avant d’être l’ennemi juré de Mario, avant les tonneaux, avant même que Jumpman ne saute de plateforme en plateforme, Donkey Kong n’existait tout simplement pas. Le gorille le plus célèbre du jeu vidéo n’était alors qu’une idée vague, perdue dans les bureaux de Nintendo. À l’origine, la firme japonaise ne cherchait pas à créer un nouveau personnage culte, mais à adapter une licence déjà connue du grand public : Popeye.

Nintendo au bord du game over

Nous sommes en 1980, et Nintendo traverse une période délicate, presque critique. L’entreprise japonaise, encore loin de l’image de géant du jeu vidéo qu’on lui connaît aujourd’hui, tente alors de s’imposer sur le marché américain des salles d’arcade. Son grand pari se nomme Radar Scope, une borne de tir futuriste dans la lignée de Space Invaders, sur laquelle Nintendo a investi temps, argent et espoirs.

Mais le verdict tombe rapidement : Radar Scope ne rencontre pas son public. Les exploitants boudent la machine, les joueurs passent leur chemin, et les ventes s’effondrent. Pire encore, des centaines de bornes déjà fabriquées et expédiées restent bloquées dans les entrepôts américains de Nintendo of America, immobilisant une trésorerie précieuse.

Pour une entreprise encore fragile à l’international, c’est un coup dur. Il ne s’agit plus seulement de lancer un nouveau jeu, mais de sauver un investissement massif et de prouver que Nintendo peut exister hors du Japon. Il faut réagir vite, transformer ces bornes inutilisées en succès potentiel… et surtout frapper fort avant que l’aventure américaine ne s’arrête net.

Popeye, la licence qui devait tout sauver

L’idée est alors pragmatique : miser sur une licence populaire et immédiatement identifiable pour séduire le public occidental. À cette époque, Popeye est une star mondiale, connu aussi bien à la télévision que dans les bandes dessinées. Un héros simple, reconnaissable, rassurant. Le candidat idéal. Nintendo imagine donc un jeu d’arcade basé sur l’univers du marin à la pipe, capable de transformer un échec industriel en succès salvateur.

Le concept est déjà posé :

Popeye saute pour sauver sa douce Olive Oyl qui est en danger et Bluto joue le rôle du méchant perché en hauteur.

Sauf que voilà : les droits de Popeye sont refusés à la dernière minute.

Plan B génial : Miyamoto entre en scène

Plutôt que de jeter le projet à la poubelle, Nintendo confie le jeu à un jeune designer encore inconnu : Shigeru Miyamoto. Sa mission ? Tout recréer… sans Popeye.

Miyamoto garde la structure du gameplay, mais invente de nouveaux personnages :

Popeye devient Jumpman, un simple charpentier moustachu
Bluto se transforme en Donkey Kong, un gorille colérique
Olive Oyl devient Pauline, la demoiselle à sauver

1981 : la naissance d’une légende

En 1981, Donkey Kong sort en arcade. Le succès est immédiat : les salles d’arcade se remplissent, les joueurs font la queue, et les bornes encaissent des pièces à une vitesse folle. Le jeu séduit par sa lisibilité, son rythme, et surtout par son concept inédit : un personnage qui saute, évite des obstacles et grimpe des structures verticales. Une petite révolution à l’époque.

Très vite, Donkey Kong devient l’un des plus grands succès de Nintendo, sauvant littéralement l’entreprise après plusieurs paris ratés sur le marché américain. Plus encore, il pose les bases d’un nouveau genre de jeu de plateforme et introduit un héros qui n’a pas encore de nom officiel, mais qui va bientôt entrer dans la légende.

Ce Jumpman, charpentier anonyme, moustachu et casqué, changera rapidement d’identité pour devenir Mario, en hommage au propriétaire des entrepôts Nintendo of America. Quant à Donkey Kong, le gorille colérique, il deviendra lui aussi une figure culte, au point de se voir offrir sa propre saga quelques années plus tard.

L’échec qui a changé l’histoire du jeu vidéo

Ironie absolue de l’histoire : si Popeye avait été accepté, Mario n’aurait peut-être jamais existé, et Nintendo n’aurait sans doute jamais connu le même destin. Comme quoi, dans la pop culture, certains refus ont parfois plus d’impact que les plus grandes décisions stratégiques.

Aujourd’hui encore, Donkey Kong reste un symbole fort du jeu vidéo des années 80, un titre fondateur qui rappelle qu’une contrainte peut devenir une étincelle créative. Et qu’un marin à la pipe refusé peut donner naissance à un plombier moustachu mondialement célèbre.