Nostal’Fact – Gremlins 2, le premier film anti-Trump de l’histoire du cinéma ?

Quand on repense à Gremlins, on imagine surtout Gizmo, mignon comme un une peluche kawaii qu'on a envie de serrer dans ses bras… puis les Gremlins, beaucoup moins mignons, qui transforment tout en chaos. Mais ce que beaucoup ignorent, c’est que Gremlins 2 : The New Batch (1990) cache une autre créature tapie dans l’ombre : la satire politique.

Et pas n’importe laquelle.

Depuis quelques années, une idée revient régulièrement : Gremlins 2 serait le tout premier film anti-Trump. Une critique dissimulée sous des couches d’humour absurde, de parodie et de monstres qui se maquillent comme des divas et qui dissertent sur le violence. Et plus on creuse, plus c’est évident.

Daniel Clamp : un “visionnaire” qui ressemble beaucoup à quelqu’un d’autre

Lorsque Joe Dante accepte de réaliser une suite au premier film, il ne veut surtout pas refaire la même chose. Il exige carte blanche. Résultat : un film-massacre volontairement incontrôlable, bourré d’idées folles, de mises en abyme et… de satire.

C’est là qu’entre en scène Daniel Clamp.

Propriétaire d’un gratte-ciel ultramoderne, obsédé par son image, ses logos, son empire immobilier et son omniprésence médiatique, Clamp est une caricature d’entrepreneur mégalo. Tout dans sa personnalité respire la démesure, le branding et l’ego XXL.

En 1990, il existe une figure publique qui coche exactement ces cases : Donald Trump. À l’époque, Trump n’est pas encore une figure politique. C’est un magnat de l’immobilier new-yorkais, omniprésent dans les tabloïds, connu pour ses tours clinquantes, son goût du luxe et son culte de la personnalité.

Joe Dante ne s’en cache pas : Clamp est directement inspiré de ce Trump-là, celui des années 80–90, celui qui voulait conquérir Manhattan avec des gratte-ciel et des caméras.

Une critique qui se glisse entre deux gags

Ce qui rend Gremlins 2 aussi brillant, c’est que Daniel Clamp n’est jamais méchant. Il est même parfois attachant, naïf, presque enfantin. Et c’est précisément là que réside la satire : le film se moque d’un système, pas seulement d’un homme. Dante ne tire pas sur un individu, il tire sur une mentalité, une logique, une époque : celle du capitalisme triomphant où le branding remplace la vision, où l’innovation cache souvent du vide, où l’ambition démesurée finit par tourner à la caricature.

La Clamp Tower est l’incarnation parfaite de cette idée : un empire technologique déshumanisé, truffé de couloirs aseptisés, de capteurs inutiles, de caméras omniprésentes, d’ascenseurs capricieux et de chaînes télé internes dédiées à l’égo de son propriétaire. C’est un monde où tout est automatisé, contrôlé, surveillé… et pourtant, personne n’y comprend vraiment ce qu’il se passe. La technologie est là pour faire “moderne”, pas pour être utile. C’est un décor de science-fiction corporate qui ne demande qu’à s’effondrer.

Et forcément, il s’effondre.

Lorsque les Gremlins envahissent la tour, la symbolique est limpide : le chaos naît directement du modèle que Clamp représente. La tour n’a pas été pensée pour le bien-être humain, mais pour la mise en scène permanente de son propriétaire. Une coquille vide à la gloire d’un empire personnel.

Le film nous montre alors une bulle aseptisée, obsédée par le contrôle et l’image, qui implose dès qu’un grain de sable — ou un Gremlin — entre dans la machine. Chaque dysfonctionnement, chaque caméra qui éclate, chaque Gremlin qui détourne la technologie sert de commentaire : quand un système est construit sur la superficialité, il suffit de peu pour qu’il s’effondre.

À ce moment-là, la parodie devient critique, et l’humour devient un scalpel. Dante dissèque un modèle économique et culturel en utilisant ses propres outils : le spectacle, l’exagération, le chaos joyeux. Un coup de génie que peu de blockbusters ont osé depuis.

Prophétique… presque malgré lui

Revoir le film aujourd’hui, c’est avoir une étrange sensation : celle qu’en 1990, Joe Dante avait déjà capté quelque chose que le monde mettrait encore des décennies à comprendre. En exagérant à peine la réalité, il a créé un personnage – Daniel Clamp – qui ressemble aujourd’hui comme deux gouttes d’eau à une trajectoire bien réelle : celle d’un magnat obsédé par les caméras, l’image et la construction d’un empire personnel qui finit par le dépasser.

À l’époque, tout cela relevait de la parodie.

Aujourd’hui… cela ressemble étrangement à de la prémonition.

Et ce n’est pas un hasard si, depuis quelques années, le personnage de Clamp refait surface sur Internet chaque fois qu’on évoque la satire politique ou l’évolution de Trump dans la culture populaire. Dante avait vu juste, presque malgré lui : derrière le milliardaire souriant, il y avait déjà un symbole en devenir.

Enfant, je regardais Gremlins 2 pour les monstres qui faisaient n’importe quoi dans un gratte-ciel futuriste. Je riais du Gremlin exibitionniste, du Gremlin-intello et du Gremlin diva.

En grandissant, je me suis rendu compte que ce film bruyant, drôle et chaotique cachait une intelligence redoutable. Sous ses couches d’humour absurde, Gremlins 2 dissèque un modèle économique, un système médiatique et une vision du monde qui allait devenir dominante. Joe Dante a réussi un tour de force rarissime : placer une critique sociale précise dans un blockbuster qui ressemble à un cartoon dopé aux stéroïdes.

Et la prochaine fois que tu le regardes…

Regarde bien au-delà des Gremlins surexcités.

Observe les écrans, les messages publicitaires, la tour en forme de symbole de pouvoir, le sourire figé de Daniel Clamp. Tout est là, en filigrane. Une critique mordante, déguisée en comédie monstrueuse.

Comme quoi, parfois, les films qui semblent les plus simples sont aussi les plus intelligents.

Et maintenant, tu ne verras plus jamais la Clamp Tower de la même manière.