M.A.S.K. contre VENOM : souvenirs d’une guerre secrète

Avant que Transformers et G.I. Joe ne s’imposent comme les rois des rayons jouets, il y avait M.A.S.K. — un univers unique où les véhicules se transformaient, les héros portaient des masques aux pouvoirs spéciaux, et les aventures explosaient d’action et de gadgets.

Né en 1985, ce dessin animé devenu légendaire n’était pas qu’un simple programme du mercredi matin. C’était un pont entre deux mondes : celui de l’espionnage high-tech et celui de la pure science-fiction motorisée. Et surtout, il était le prétexte parfait pour lancer une gamme de jouets devenue culte, signée Kenner.

Et pour moi ? C’était bien plus que ça. C’était un de mes univers préférés, j'adorais chanter à tue-tête le générique en sautant et faisant des mises en scène. C’était des heures passées faire rouler sur le canapé mon Jackhammer, à l'emmener à des énormes flaques d'eau, à inventer des missions secrètes et des cascades et des dérapages...

M.A.S.K., une série animée à la croisée des genres

L’idée de départ de M.A.S.K. (acronyme de Mobile Armored Strike Kommand, avec un “K” typiquement 80s) était aussi simple qu’efficace : une organisation secrète dirigée par le charismatique Matt Trakker affronte VENOM (Vicious Evil Network of Mayhem), un groupe criminel aux ambitions technologiques et militaires. Ces deux factions se livrent une guerre de l’ombre, faite de courses-poursuites, d’embuscades futuristes et de gadgets technologiques improbables — tout ce qu’un enfant des années 80 pouvait rêver de voir à l’écran.

Ce qui rendait la série unique, c’était bien sûr les fameux masques, véritables super-pouvoirs portables. Chaque agent de M.A.S.K. ou de VENOM possédait un casque doté d’un pouvoir particulier : certains lançaient des lasers, d’autres créaient des illusions, stoppaient le temps ou faisaient léviter les objets. C’était de la science-fiction condensée en accessoires — un rêve d’enfant matérialisé en plastique coloré.

Mais le clou du spectacle, c’était bien sûr les véhicules. Aucun autre dessin animé de l’époque ne proposait des transformations aussi inattendues : une voiture de sport qui se transforme en jet supersonique, une moto qui devient hélicoptère, une jeep qui libère un canot de sauvetage caché sous son capot. Chaque transformation était accompagnée de bruitages puissants et d’effets visuels stylisés, qui rendaient le moment presque sacré. On attendait avec impatience le moment de l’épisode où les transformations allaient commencer.

Visuellement, la série animée diffusée entre 1985 et 1986 était un concentré d’adrénaline : plans dynamiques, voix marquées, musique synthwave ultra reconnaissable, générique culte qui ne quittait plus nos têtes, et cette animation américano-japonaise si caractéristique de l’époque. C’était propre, coloré, vif, toujours lisible malgré les scènes d’action intenses.

Chaque épisode suivait un schéma narratif simple mais redoutablement efficace : VENOM ourdit un plan machiavélique (vol de trésor ancien, détournement de satellite, création d’un cataclysme), M.A.S.K. intercepte l’alerte, Matt Trakker consulte sa base de donnée, sélectionne les agents adaptés à la mission via les portraits en hologrammes flottants (une séquence culte !), et le générique d’action démarre. Le suspense, les poursuites, les retournements de situation… tout y était.

La série était pensée pour stimuler l’imagination, avec des intrigues qui mêlaient action pure, technologie futuriste, missions secrètes et même parfois des éléments mystiques ou archéologiques. Un cocktail explosif parfaitement calibré pour les enfants d’alors… et les nostalgeeks d’aujourd’hui.

Une gamme de jouets révolutionnaire signée Kenner

Mais ce qui a vraiment propulsé M.A.S.K. dans le panthéon des années 80, c’est sa gamme de jouets spectaculaire, produite par Kenner, déjà auréolée de succès grâce à ses figurines Star Wars. Cette fois, la marque allait plus loin : elle offrait non seulement des personnages charismatiques, mais aussi des véhicules transformables aussi ingénieux que robustes, conçus pour stimuler l'imagination à chaque manipulation.

Les véhicules, bien que plus petits que ceux de G.I. Joe, étaient d’une finition exemplaire pour l’époque : peinture métallisée, gimmicks mécaniques, pièces mobiles, effets de transformation manuels qui rendaient chaque manipulation palpitante. Il ne s’agissait pas juste d’un jouet, mais d’un mini-scénario d’action prêt à exploser dans ta chambre. Chaque boîte contenait une figurine articulée de 7 cm environ, équipée de son masque emblématique, et souvent un petit accessoire comme une arme ou un élément amovible du véhicule.

La première série de jouets, sortie en 1985, reste encore aujourd’hui la plus iconique. Elle comprenait des véhicules instantanément reconnaissables :

• Thunderhawk, la Chevrolet Camaro rouge de Matt Trakker, dont les portières s'ouvraient vers le haut pour devenir des ailes d'avion. C'était LE jouet star, celui qu’on voyait partout dans les catalogues de jouets de Noël.

• Condor, la moto verte de Brad Turner, simple mais géniale, qui se transformait en hélicoptère avec une élégance mécanique bluffante.

• Switchblade, l’hélicoptère bleu de Miles Mayhem, qui basculait d’un mode aérien à un mode jet d’assaut. Un monstre de design.

• Rhino, l’impressionnant camion semi-remorque bordeaux de Bruce Sato et Alex Sector, véritable QG roulant avec cabine éjectable, missiles cachés et pare-chocs destructeurs.

Mais il y avait aussi Firecracker, Gator, Piranha, Jackhammer, le 4x4 noir massif de Cliff Dagger, qui dévoilait une tourelle d’assaut en faisant basculer son toit vers l’arrière... chaque véhicule avait une identité forte, une fonction unique, et une place bien à lui dans les scénarios qu’on inventait entre deux goûters.

Ce qui rendait cette gamme révolutionnaire, c’était l’alliance entre jouabilité, ingéniosité mécanique et storytelling intégré. Les transformations n’étaient pas là juste pour le fun : elles faisaient partie d’un tout, d’un univers, d’une guerre secrète à grande vitesse entre le bien et le mal. On n’achetait pas un jouet, on recrutait un agent pour notre propre équipe M.A.S.K. personnelle.

Et dans la tête d’un enfant des années 80, il n’y avait pas de plus belle mission.

Un souvenir de Noël : de la déception… à la joie!

Moi, j’étais de ceux qui rêvaient de Matt Trakker et son Thunderhawk. Je l’avais demandé pour Noël, avec cette précision presque naïve mais capitale : la voiture rouge qui vole, avec le masque laser. Dans ma tête, c’était clair comme de l’eau de roche — ou du jus d’orange de petit déjeuner : j’allais le retrouver sous le sapin, le Thunderhawk flamboyant prêt à décoller depuis le salon.

Mais le 25 décembre au matin, l’emballage ne trompait pas : ce n’était pas une Camaro rouge. En déchirant le papier cadeau, j’ai découvert Cliff Dagger et son Jackhammer. Un choc. Pas le héros, mais le gros bras de l’ombre. Pas le véhicule volant, mais le 4x4 noir menaçant. Mon cœur d’enfant s’est serré. Je me suis senti trahi par le Père Noël… ou mal compris par les adultes.

J’avais l’impression d’avoir reçu le sbire de deuxième classe, celui qui ne brillait pas dans le dessin animé, celui qui grognait plus qu’il ne parlait, avec une voiture qui n’avait pas d’ailes ni de gadgets lumineux. Mais très vite, quelque chose a changé. J’ai commencé à le manipuler, à découvrir la mécanique du toit qui bascule, la tourelle dissimulée, la puissance de la voiture massive. Et là, le Jackhammer a gagné mon cœur.

Il est devenu le tank de mes aventures. Cliff Dagger, dans mes histoires, n’était plus un sbire maladroit : il s’était racheté, il avait trahi VENOM pour rejoindre M.A.S.K.. C’était devenu mon héros secret, mon atout caché. Le Jackhammer roulait sur tous les terrains — moquette, sable, flaques d’eau, coussins transformés en montagnes. Je faisais des loopings, des embuscades, des sauvetages impossibles… et tout ça, avec le “mauvais” jouet.

Au fond, ce n’était pas une erreur. C’était le début d’un vrai attachement, d’un lien avec un jouet qu’on n’avait pas choisi, mais qui a su se rendre indispensable. Et c’est peut-être ça, la vraie magie de Noël.

Comme quoi, même dans les erreurs de cadeau, il y a des histoires qui forgent des passions — et parfois, des vocations de collectionneur... C'est aussi là que j'ai appris à aimer les méchants plus que le héros...

Pourquoi M.A.S.K. mérite sa place au panthéon geek

Parce qu’il incarne une époque.

Une époque où les dessins animés servaient à nous émerveiller autant qu’à nous faire jouer. Une époque où les voitures pouvaient voler, où les casques faisaient des miracles, et où chaque mission commençait par un appel mystérieux sur un écran holographique.

M.A.S.K., c’est cette madeleine de Proust en plastique. C’est cette part d’enfance boostée au V8 et à l’imagination, ces après-midis passés à revivre les épisodes en boucle, générique en tête, les yeux brillants. Et même si Matt Trakker n’a pas fini sur Netflix ou sur Disney+, il restera à jamais ce héros masqué des années 80, prêt à bondir dans son Thunderhawk au moindre appel dans nos coeurs.