La Descente des Damnés

La nuit recouvrait la station de ski d’un manteau noir.
Le vent hurlait dans les sapins comme un chœur de loups affamés, les câbles grinçaient dans l’air gelé.
Sur les hauteurs, les remontées mécaniques oscillaient, grinçantes, comme si elles portaient encore le poids invisible des damnés.

Les habitants parlaient d’une légende.
On disait qu’à chaque tempête de neige, une créature rôdait sur les pistes désertes.
Elle faisait dérailler les télésièges, brisait les pylônes, et hantait la montagne d’un cri strident qui se répétait sans fin : « SKRIIIIIIIIII ! »

Un soir de pleine lune, trois apprentis chasseurs de fantôme youtubeurs décidèrent d’aller voir.
Lampes de poche en main, bottes crissant dans la neige, ils remontèrent la piste interdite.
Chaque pas les rapprochait du bruit terrible : « SKRIIIIIIIIII ! »

Le silence de la montagne était oppressant.
Leurs lampes tremblaient, les faisceaux glissant sur les troncs noirs comme des barreaux de prison.
L’air glacé mordait leur peau, et chaque souffle formait des nuages blancs comme des fantômes.
Et toujours, dans la nuit : « SKRIIIIIIIIII ! »

— C’est lui… murmura le plus jeune.
— Continuez ! répondit l’aîné, les dents serrées.

Le vent redoubla, soulevant la poudreuse en tourbillons.
Les ombres des sapins s’allongeaient comme des griffes prêtes à les happer.
Tout à coup, le cri retentit encore, plus proche, plus glaçant : « SKRIIIIIIIIII ! »

Les youtubeurs hurlèrent à leur tour, la peur leur glaçant le sang.
Là-haut, au sommet de la piste, une silhouette gesticulait, accrochée au télésiège.
Ses oreilles pointues luisaient sous la lune, sa combinaison fluo brillait dans l’obscurité.
Et ses bras battaient frénétiquement comme ceux d’un pantin possédé.

Ils crurent voir un démon.
Ils crurent voir le Grincement des Alpes…

Mais en approchant, la vérité éclata.
Le monstre n’était qu’un Gremlin coincé sur la remontée, sa langue collée au métal glacé.
Il tirait, poussait, et plus il tirait, plus il hurlait : « SKRIIIIIIIIII ! »

Depuis ce jour-là, la légende changea :
on ne parla plus du Grincement des Alpes, mais du Crétin des Alpes,
le seul monstre assez idiot pour se coller la langue sur une barre de télésiège en plein hiver.